Le débat sur l'existence ou non de biais dans la manière dont l'actualité est relatée par les médias aux Etats-Unis est plutôt agité (cf. l'article de Slate sur le journalisme de guerre). Jay Rosen, professeur de journalisme de la New York University (NYU), dans son blog Press Think montre du doigt cette polémique "peut-être idiote", qui a oublié les missions originelles du journalisme. A son sens, la presse doit être considérée comme politique et s'il faut réagir, ce n'est pas dénonçant le biais supposé du journaliste ("spin", considéré par certains observateurs comme mauvais), mais en discutant sa ligne politique. Par ailleurs, la presse se serait pas supposée assister les lecteurs mais leur donner les ressources pour réfléchir.
Du côté des économistes, ce débat commence également à pointer du nez, notamment parce que les enjeux en termes de qualité de l'offre de presse peuvent être intéressants à suivre pour l'avenir économique de cette industrie. Une recherche produite par Mullainathan (MIT) et Schleifer (Harvard) en 2002 a produit le résultat suivant : en considérant que la presse peut présenter deux types de biais, l'idéologie et la course au scoop, si deux titres de presse sont en concurrence sur un marché, alors l'effet de la concurrence sera de réduire le biais idéologique mais de renforcer la course au scoop. Par contre, dans une situation de monopole, les effets seront inversés.
En prenant une approche différente, d'autres chercheurs, Nathalie Sonnac, Jean Gabszewicz et Didier Laussel, ont montré également que dans le cadre d'une concurrence entre titre de presse, la tentation des titres est de se faire le vecteur d'une certaine "pensée unique", moins différenciante sur le marché, pour plaire au plus grand nombre et attirer ainsi plus d'annonceurs.
Cela dit, la dernière publication de Mullainathan et Shleifer en 2003 rend l'enjeu plus subtil : pour eux, les titres de presse présentent un biais, mais il est celui attendu par ses lecteurs... qui perçoivent par conséquent leur journal comme "non-biaisé" (puisqu'ils sont d'accord avec les options du journal).
Finalement, on a un peu l'impression que le débat tourne en rond. Dans une étude de l'institut Pew Internet sur les médias en ligne pendant la dernière élection présidentielle américaine, une majorité d'Internautes dit préférer avoir accès à une information "non-biaisée". Mais le biais vient-il du journaliste qui produit et hiérarchise l'information ou du lecteur qui la perçoit avec ses référents propres ? On pourrait se dire qu'un article biaisé est finalement plus intéressant à lire qu'une information brute, car lui appelle à une réaction de son lecteur.
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