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Usages des titres de presse en ligne

Un article de Julien Figeac dans la Lettre des Usages de novembre 2004 par France Telecom R&D fait état d'analyses sur les usages des lecteurs de la presse sur Internet d'un point de vue sociologique.

A partir d'un panel NetValue de près de 3400 internautes, enregistrés de janvier à octobre 2002, voici quelques grandes tendances :

• 70% ont consulté un site de médias au moins une fois; les sites de la PQN sont les plus consultés,
• la moitié de ces consultations dure moins de 3 minutes, vs 23 minutes pour le temps moyen de lecture d'un quotidien (EuroPQN, 2001)
• sur ces sites, les pages d'informations sont consultées dans 72% des sessions ; les espaces de communication (forums, envois d'articles, etc.) restent peu utilisés,
• 51% des panélistes ont moins de 34 ans, ce qui tendrait à montrer qu'Internet a permis d'étendre la cible des lecteurs vers des populations plus jeunes.

Les lecteurs de presse sur Internet privilégieraient donc une information de type généraliste. Leur mode de consommation serait davantage une découverte de l'actualité qu'un approfondissement des sujets.

Julien Figeac se concentre sur les titres de presse traditionnels ayant une présence sur Internet. On pourrait se demander si la tendance serait accentuée (ou non) en intégrant dans la problématique les chaînes "Actualités" des grands portails généralistes.

Débat sur les biais des médias

Le débat sur l'existence ou non de biais dans la manière dont l'actualité est relatée par les médias aux Etats-Unis est plutôt agité (cf. l'article de Slate sur le journalisme de guerre). Jay Rosen, professeur de journalisme de la New York University (NYU), dans son blog Press Think montre du doigt cette polémique "peut-être idiote", qui a oublié les missions originelles du journalisme. A son sens, la presse doit être considérée comme politique et s'il faut réagir, ce n'est pas dénonçant le biais supposé du journaliste ("spin", considéré par certains observateurs comme mauvais), mais en discutant sa ligne politique. Par ailleurs, la presse se serait pas supposée assister les lecteurs mais leur donner les ressources pour réfléchir.

Du côté des économistes, ce débat commence également à pointer du nez, notamment parce que les enjeux en termes de qualité de l'offre de presse peuvent être intéressants à suivre pour l'avenir économique de cette industrie. Une recherche produite par Mullainathan (MIT) et Schleifer (Harvard) en 2002 a produit le résultat suivant : en considérant que la presse peut présenter deux types de biais, l'idéologie et la course au scoop, si deux titres de presse sont en concurrence sur un marché, alors l'effet de la concurrence sera de réduire le biais idéologique mais de renforcer la course au scoop. Par contre, dans une situation de monopole, les effets seront inversés.

En prenant une approche différente, d'autres chercheurs, Nathalie Sonnac, Jean Gabszewicz et Didier Laussel, ont montré également que dans le cadre d'une concurrence entre titre de presse, la tentation des titres est de se faire le vecteur d'une certaine "pensée unique", moins différenciante sur le marché, pour plaire au plus grand nombre et attirer ainsi plus d'annonceurs.

Cela dit, la dernière publication de Mullainathan et Shleifer en 2003 rend l'enjeu plus subtil : pour eux, les titres de presse présentent un biais, mais il est celui attendu par ses lecteurs... qui perçoivent par conséquent leur journal comme "non-biaisé" (puisqu'ils sont d'accord avec les options du journal).

Finalement, on a un peu l'impression que le débat tourne en rond. Dans une étude de l'institut Pew Internet sur les médias en ligne pendant la dernière élection présidentielle américaine, une majorité d'Internautes dit préférer avoir accès à une information "non-biaisée". Mais le biais vient-il du journaliste qui produit et hiérarchise l'information ou du lecteur qui la perçoit avec ses référents propres ? On pourrait se dire qu'un article biaisé est finalement plus intéressant à lire qu'une information brute, car lui appelle à une réaction de son lecteur.

"Googlearchy"

Un article de chercheurs en sciences politiques essaie de démontrer comment - alors qu'Internet offre l'abondance de sites que l'on connaît - l'audience ne se concentre que sur les sites vers lesquels pointent le plus de liens.

A partir d'une méthode statistique simple, ils montrent tout d'abord que le nombre de liens pointant vers un site est très fortement corrélé à son audience. Ainsi, en connaissant le nombre de liens, des conclusions peuvent assez facilement être tirées en termes d'audience.

Par la suite, ils sélectionnent une série de sites politiques les plus populaires, en fonction de leur classement sur les moteurs de recherche les plus populaires, Google et Yahoo, pour 6 catégories de sites.

A partir de cette base, ils analysent l'audience et catégorisent les contenus des sites, en utilisant des méthodes automatisées. Ils observent ainsi qu'une petite poignée de sites dominent dans chaque communauté politique. Ces communautés politiques en ligne sembleraient fonctionner comme des réseaux "winners take all".

S'ils introduisent le terme railleur de Googlearchy, c'est que leur travail met en valeur "la règle de celui qui a le plus de liens". La structure d'Internet ne cannaliserait les utilisateurs que vers quelques sites les plus pointés dans chaque catégorie politique. Ce qui remet tout de même en question la capacité du média à démocratiser l'information politique.

Difficile de tirer toutefois de conclusion trop hâtive sur la diversité en ligne sans avoir évalué et comparé ces données à celles des médias off line. Les informations auxquelles les Internautes sont exposées sont-elles complémentaires ou substituables entre médias on line et off line ? A suivre...

"Will search kill the web ?"

L'association britannique Association of online publishers (AOP) organisait son forum annuel en octobre dernier. Un des ateliers posait une question un brin provocatrice : Will search kill the web ?. Le ton donné, le président de l'Associated New Media, Andrew Hart, accuse les moteurs de recherche d'être "des parasites qui pourraient bien tuer la croissance des sites d'information". Avec le développement du référencement payant et des liens sponsorisés, les plus gros acteurs peuvent facilement améliorer leur référencement et leur trafic, au détriment des acteurs plus fragiles. Andrew Hart critique également Google News : il cite une étude selon laquelle 48% des articles fournis par le moteur proviennent uniquement de 5 sources.

Cette prise de position un peu radicale (A. Hart a essayé de faire passer une motion, mais elle n'a pas été votée) montre assez bien que sur les marchés des médias numériques, contrairement aux marchés des médias traditionnels, les contenus sont devenus extrêmement abondants, alors que l'attention des Internautes s'est raréfiée. Les médias en ligne ayant les moyens de promouvoir leur marque sur Internet comme sur d'autres supports semblent attirer à eux l'essentiel de l'audience, laissant les supports plus alternatifs à un public plus pointu.

1/5e du temps média est dédié à Internet par les consommateurs européens

Une étude de la société Millward Brown pour l'European Interactive Adverstising Association (EIAA), publiée le 9 novembre dernier, rend compte d'une nette augmentation de la consommation d'Internet en 2004 : 20% de la consommation médias totale en Europe, dépassant la consommation de magazines (9%) et de jounaux (11%).

La radio n'est plus très loin (30%), ni la télévision, qui constitue tout de même l'essentiel de la consommation média (33%). Toutefois, plus d'un tiers des personnes interrogées dit avoir réduit sa consommation TV à cause d'un report de temps sur Internet. 42% des Internautes seraient connectés 7j/7. Internet fera vraisemblablement de plus en plus partie des plans médias des annonceurs du fait de l'envergure que prend petit à petit le média.

La moitié d'entre eux considère Internet comme leur source favorite d'informations (facilité et rapidité d'accès). La lecture de journaux en ligne est l'un des usages les plus cités (37%).

Si 83% pensent qu'il y a trop de publicité sur la TV, ils sont seulement la moitié à le penser d'Internet. L'aversion à la publicité semble moindre, aussi parce qu'une partie des personnes interrogées considère que la publicité qui lui est adressée en ligne est plus ciblée, donc plus intéressante.

Ce travail d'investigation a été mené auprès d'un panel de 1000 personnes en GB, Allemagne, France, Espagne, Italie, Belgique, Hollande et dans les pays nordiques.

En complément de ce travail, il serait intéressant de connaître plus précisément les comportements pluri-médias. Il semble que la TV soit en effet le média le plus directement touché par la croissance de l'utilisation d'Internet. Plusieurs études montrent par ailleurs que la consommation de presse est faiblement affectée (faible cannibalisation entre titre en ligne et titre papier - cf. le travail de Matthew Gentkow sur les publications du Washington Post), ainsi que la consommation de radio (souvent même couplée à l'utilisation d'Internet - cf étude Yahoo et Carat Interactive aux Etats-Unis sur les comportements de consommation d'Internet des jeunes Internautes de 13 à 24 ans).

Fil RSS

Le blog de Francis Pisani sur le site du Monde rapporte la mise à disposition des fonctionnalités RSS sur MyYahoo (version US).

Effectivement, un passage sur le site montre à quel point sa mise en oeuvre est facile et rapide : en quelques clics, on peut transformer son "MyYahoo" en site de news personnalisé. A côté des modules email, météo, ciné, etc., tout utilisateur peut composer sa page avec les fils de news des titres de presse ou des blogs qu'il souhaite suivre.

Avec un acteur majeur grand public comme Yahoo, la technologie RSS pourrait sortir du sérail technophile et être à la source d'un nouveau flux de trafic pour les sites d'informations. En effet, l'ergonomie et la mise en page des fils RSS restent pour l'instant rudimentaires (liens avec titres d'articles). Pour prendre connaissance du contenu, il reste nécessaire d'aller consulter l'article sur le site de l'éditeur.

Reste que la distribution de l'information sur Internet s'en trouverait remodelée. Concentrée sur quelques acteurs (éditeurs connnus et portails généralistes), elle pourrait s'atomiser et se décentraliser auprès des lecteurs mêmes possédant une page Internet. Des communautés d'intérêt - comme il s'en noue dans l'industrie de la musique avec le P2P - pourraient émerger dans l'industrie de l'information.

On peut déjà se demander si les acteurs traditionnels en resteront les principaux fournisseurs...

Médias en ligne : diversité ?

Bonjour,

j'ouvre aujourd'hui ce blog avec quelques mots sur une des problématiques que je souhaite aborder dans mon travail de thèse.

Le monde des médias est celui qui a le plus rapidement et le plus naturellement investi les supports en ligne. Plusieurs indépendants se sont lancés dans l'aventure, croyant pouvoir trouver un nouveau style, de nouveaux lecteurs et des ressources promises à une croissance exponentielle via la publicité en ligne. Beaucoup ont disparu dans les dernières années, mais ils ont laissé la marque de leurs expérimentations aux médias plus institutionnels : liens hypertextes, blogs, forums, chats, etc. De nombreuses fonctionnalités multimédias se sont invitées sur les sites médias traditionnels, rendant leur lecture plus riche et plus diversifiée.

Toutefois, les médias traditionnels se différenciaient par la qualité de leur tri, de leur hiérarchisation et de leur analyse de l'information. Désormais, les médias sont tous en ligne (TV, radio, presse) confrontés à d'autres besoins des lecteurs : rapidité, frâcheur de l'information, facilité d'accès et hiérarchisation. Ce qui faisait l'originalité des médias semble peu à peu écarté pour répondre au plus rapide, au plus référencé et au plus clair. Dans ce contexte, comment s'étonner qu'en France, le premier site médias soit Yahoo News ?

Ainsi, alors qu'Internet symbolise la diversité et l'abondance de l'information, la plupart des Internautes finalement ne consultent qu'une poignée de sites pour répondre à leur besoin d'information(portails généralistes notamment), ceux-ci étant essentiellement composés de dépêches d'agence, qui, si professionnelles soient-elles, n'offrent pas au lecteur l'analyse et le recul d'un média traditionnel.

Dans une étude de l'institut Pew Internet analysant une dizaine de sites médias les plus consultés aux Etats-Unis, les analystes constatent que 30% du contenu sont des articles produits pour le titre traditionnel puis mis en ligne, 30% sont des dépêches retravaillées par les journalistes et 40% sont des dépêches brutes d'agences.

Cette soudaine pauvreté des sources d'information étonne. Les phénomènes de blogging et l'émergence des fils RSS portent en eux les capacités de réponse à cette organisation de marché, poussant à une nouvelle "pensée unique", mais ils sont pour l'instant marginaux.

A suivre donc...