Lors d'une conférence du CITI de Columbia University, Bruce M. Owen, du Stanford Institute for Economic Policy Research, a montré l'évolution progressive de la FCC concernant la mesure de la concentration des médias de masse.
La FCC mesurait la concentration comme dans toute autre industrie, via l'indice Hirschman-Herfindahl ou HHI (Merger Guidelines) à partir des revenus réalisés par les différents médias et leur propriété. La mesure de l'audience ne semblait pas appropriée, car fondée sur des critères différents selon les médias. L'idée de cette mesure est simple : à partir de la définition d'un marché pertinent de biens entre eux substituables, existe-t-il une diminution significative du choix pour les consommateurs ?
Or, pour Bruce M. Owen, la répartition de la propriété dans les médias peut ne pas avoir d'influence directe sur le "marché des idées". L'objectif central étant de donner accès à différents points de vue aux consommateurs, la mesure de la diversité peut ne pas être totalement satisfaisante avec l'indice HHI.
En juin 2003, la FCC a créé "l'indice de diversité" qui cette fois, mesure la diversité des sources média disponibles pour les marchés locaux, en leur attribuant des poids, selon leur importance relative en tant que source d'informations pour les consommateurs.
L'indice a encore de nombreux défauts : il ignore l'information de divertissement, il n'observe Internet qu'en tant que canal d'accès à l'information, il attribue des poids selon une logique discutable, il ignore la logique de prescription - notamment celle du processus en deux étapes de Lazarsfeld (influence des leaders d'opinion), etc.
Toutefois, il a l'avantage de commencer à faire évoluer la notion de concentration dans les médias : au-delà du succès financier d'un groupe média (mesure HHI sur les revenus), les consommateurs ont-ils accès à une diversité de sources d'informations indépendantes ?
Internet, quelle que soit l'approche, brouille les pistes. Le succès économique d'un site distribuant de l'information est-il significatif de son influence sur ses utilisateurs ? L'existence d'une large offre d'informations via une multitude de sources indépendantes garantit-elle la diversité pour le consommateur si seules quelques unes rencontrent un réel succès ?
Des travaux restent à réaliser pour commencer à répondre à ces questions. Toutefois, il y a fort à parier que la mesure de la concentration dans les médias ne pourra faire l'économie d'une alliance entre ces deux approches.
Je suis étonné de ces débats sur le HHI. Il ne s'est jamais voulu être un indicateur de la diversité de l'information, mais uniquement un indicateur de concentration des marchés utilisables par les autorités concurrentielles pour mesurer le pouvoir de marché (par exemple le pouvoir des opérateurs de pay TV sur les consommateurs) et en amont (par exemple le pouvoir des opérateurs de pay TV sur les chaînes).
Rédigé par : Jérôme Perani | décembre 07, 2004 à 04:14 PM
C'est indiscutable, mais ce que semble décrire l'auteur de cette étude est que la FCC s'est trouvée en manque d'instruments pour vérifier la diversité effective du paysage médiatique aux Etats-Unis.
On ne peut nier non plus que la mesure de la concentration des médias a aussi été motivée par le souci de vérifier que plusieurs sources d'informations à forte audience n'étaient pas entre les mains d'un seul propriétaire... Cette vision de la concentration des médias version "Citizen Kane" a été critiquée et semble parfois un peu veillotte : ce n'est pas parce que plusieurs médias appartiennent au même groupe qu'ils ne diffusent pas d'informations diversifiées. C'est pourquoi j'ai trouvé l'analyse de la diversité par l'accès intéressante.
Rédigé par : Danielle | décembre 07, 2004 à 05:01 PM
ok. Eli Noam sort un bouquet sur le sujet
http://news.ft.com/cms/s/da30bf5e-fa9d-11d8-9a71-00000e2511c8.html
Il y a également le débat sur la taille du marché pertinent : local ou national. Les restrictions imposées aux groupes de communication depuis 50 ans(presse+TV incompatible dans les marchés locaux) sont en train de sauter sous la pression de l'administration Bush et de Michael Powell. On va peut-être arriver au cas français où les chaînes hertziennes contrôlent un bouquet satellite et investissent dans la presse et où la Socpresse pourraient contrôler les TV locales.
Rédigé par : Jérôme Perani | décembre 08, 2004 à 08:46 AM