C'est une interview de Jay Rosen, professeur de journalisme à NYU et rédacteur du blog Press Think, dans l'hebdomadaire Enjeux Les Echos de décembre 2004 qui a confirmé une intuition concernant le débat sur les biais dans les médias.
Interrogé sur le phénomène des blogs et ce qu'il apporte au monde des médias, Jay Rosen y explique comment les "bloggers" ont pris le contrepied de la hiérarchie des professionnels :
Les "pros" partent de l'idée qu'ils doivent d'abord présenter les faits, pour que le citoyen puisse ensuite se forger une opinion. Mais on peut aussi bien se dire qu'intéresser un citoyen aux affaires du monde et de la cité passe d'abord par le débat et la polémique, qui ensuite, l'inciteront à s'informer des faits lui permettant d'y participer activement.
Avant les succès de la presse gratuite et la mise en ligne des fils de news sur les grands portails, le grand public n’avait pas accès à l'information brute, aux dépêches d’agence. L’information était retraitée et mise en perspective par les grands médias. Le menu des journaux (papier, tv ou radio) consiste alors à présenter "objectivement" les faits du jour, puis à ajouter des reportages et enfin d'insérer des débats, opinions et éditoriaux. Le grand public n’accédait qu’à une information retravaillée. Elle attendait donc des médias un sérieux, une honnêteté, une grande objectivité, dans le traitement de l’information. Celle-ci ne devait pas être biaisée, sous peine que des détracteurs engagent des procès d’intention aux journalistes et à leurs rédactions de leur « cacher la vérité ».
Désormais, l’information brute est directement accessible par le grand public et en temps réel, sur de multiples supports. L’attention s’y porte mais se dirige également vers les blogs et wikis, qui semblent vouloir promouvoir une information alternative, loin de la « pensée unique » des médias traditionnels, voire revendiquent leur partialité.
N’est ce pas à dire que les lecteurs sont désormais suffisamment informés et souhaitent recueillir des avis – des journalistes des médias connus mais aussi de leur communauté virtuelle – pour commenter et discuter les faits bruts livrés par les dépêches ?
Finalement, ne peut-on pas interpréter cette demande comme une demande d’engagement de la presse ? Pour qu’elle affirme son identité ? Qu’elle cesse de s’affirmer objective quand elle promeut une idéologie ? Plus de transparence est bienvenue, les lecteurs ne bouderont pas le débat…
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