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Le NY Times et sa "communauté"

Dans son post d'hier, Francis Pisani questionne la stratégie affichée par les dirigeants du NY Times, de vouloir devenir un « convener of communities » (rassembleur de communautés).

Le mot de "communauté" rappellera à certains de bons ou de mauvais souvenirs ; voir ici Net Gain, qui a copieusement animé les discussions d'entrepreneurs de la nouvelle économie sur la création et la valorisation de communautés virtuelles... Le chemin imaginé par Hagel et Armstrong n'aura pas tout à fait été celui adopté pour y arriver.

Pour revenir au NY Times, la discussion s'est lancée sur les intentions véritables du journal... Il est vrai que le lancement de la zone payante TimeSelect ne plaidait pas dans le sens de la communauté, contrairement au choix du Washington Post de relier via Technorati ses articles aux blogs les relayant (voir le post de JP Cloutier sur le sujet).

De plus, Francis Pisani pointe un élément intéressant : il doute de la capacité des rédactions à fusionner sans que le rédaction web ne se retrouve phagocytée par la rédaction papier... Les aspects organisationnels des changements dans la presse ne sont que trop rarement évoqués pour ne pas le souligner.

Le blog des grévistes de Libé

Pointé par Jeff Mignon, le blog de certains grévistes de Libération, LibéLutte.org, a vocation à informer sur les raisons de la grève menée par les salariés et à donner la parole aux lecteurs-internautes.

Gilles Klein en parle également sur son blog et confie sa déception : "ce site paraît, pour l'instant d'une vacuité étonnante".

J'avoue, je partage un peu ce sentiment, l'idée me semblait intéressante et j'y attendais des contenus et des échanges un peu musclés... Les rédacteurs n'ont pour l'instant mis en ligne que les communiqués des deux parties sans réel 'plus' par rapport à ceux mis en ligne sur le site - en grève - de Libération. On ne sait pas si un plan alternatif a été proposé par l'Intersyndicale. Les commentaires des lecteurs sont disponibles aussi. L'agencement du tout ne laisse pas vraiment émerger une quelconque conversation.

Par ailleurs, cette décision de la direction, en plus d'être contestable sur le fond, me semble aussi une immense erreur de management. Imaginons que les salariés aient laissé faire ce plan de 'cost-cutting'. Leur état d'esprit serait-il alors vraiment l'enthousiasme attendu pour mener le projet annoncé il n'y a même pas un mois de faire de Libération un quotidien "bi-média" ?! Difficile d'annoncer la croissance en réduisant les moyens pour y parvenir.

Le web n'échappe plus aux grèves

Dans son ouvrage sur la presse sur Internet publié en 2000, Charles de Laubier écrit :

"Les difficultés que rencontre la presse en matière d'impression et de distribution atteint son paroxysme lors des jours de grève. En l'absence de journaux dans les kiosques, Internet est devenu pour certains éditeurs de journaux le seul moyen de 'court-circuiter' les mouvements sociaux en rendant disponible gratuitement l'édition du jour sur leur site web".

Pour le 2e jour consécutif, Libération est en grève, face à la menace de la suppression de 52 postes. Hier, le site était encore en ligne, avec toutes ses archives. Aujourd'hui, plus rien, hormis les communiqués de la direction, du conseil de surveillance et de l'intersyndicale, permettant aux personnes intéressées de comprendre les motivations des parties. Désormais, les rédactions web et papier sont mêlées et le web est solidaire de la grève. Pas de journal, pas de contenus en ligne. A ma connaissance, c'est la première fois qu'un site de news est volontairement "bridé" de la sorte.

L'information financière autrement

En Direct de Wall Street. C'est un site/blog pilote, animée par des anciens de TF1, en vue de créer une chaîne d'informations économiques sur Internet.

Pour l'instant, l'information est disponible gratuitement, le site cherche pour l'instant à tester les besoins des Internautes qui le fréquentent. On y trouve des vidéos animées quotidiennement par Pierre Alexandre, journaliste économique, pour LCI pendant 10 ans, dont 5 à New York. Celles-ci sont téléchargeables sur Ipod video pour les visionner en mobilité.

La gratuité n'aura qu'un temps : le flux sera bientôt proposé aux opérateurs mobiles, mais aussi aux particuliers en créant un abonnement premium sur le site. On trouve donc dans ce projet l'idée selon laquelle une information exclusive et difficilement substituable peut être tarifée au client final, mais aussi le souci de la diffuser de manière adaptée sur plusieurs canaux (web, iPod, mobiles). La question restera in fine celle de l'élasticité des utilisateurs d'information financière au prix proposé par l'équipe d'En direct de Wall Street. De ce point de vue, les sites d'informations économiques ont été les premiers à proposer des modèles payants en ligne (Wall Street Journal, Financial Times, Les Echos, etc.), mais leurs clients sont plus souvent des entreprises offrant des abonnements à leurs employés que des particuliers.

Voir aussi sur le blog de Rodrigo Sepulveda.

La presse sans Gutenberg

J'ai lu et même englouti le livre de Jean-François Fogel et Bruno Patino. Il manquera peut-être à certains lecteurs avertis davantage de références techniques ou de chiffres, mais il est probable que cet essai n'avait pas vocation à devenir un rapport professionnel, mais à proposer une vision de praticiens sur l'avenir de la presse... par Internet.

On y retrouve de ce fait l'histoire et les spécificités de la presse en ligne : le fonctionnement de rédaction, moins pyramidal que celui de la presse papier, la forte contrainte temporelle, le suivi contraint et parfois frustrant de l'audience, la technicité recquise pour la production de contenus multimédia, la couverture de flux horaires et la mise à jour continuelle des informations pour "coller à l'actualité", plutôt que le choix d'une expertise ou d'un angle pour l'écriture d'un papier, la prise en compte croissante des avis et des contenus des lecteurs en ligne, la concurrence des portails, etc.

Il reste un questionnement qui parcourt le texte de part en part, celui concernant la qualité de l'information qui circule sur Internet. En bons professionnels, JF Fogel et B. Patino nous rappellent les bonnes pratiques du Monde.fr, qui préfèrera publier une information plus tard que ses concurrents, à condition qu'elle ait été vérifiée au préalable. Toutefois, la rapidité d'exécution, le manque de hiérarchie dans la présentation des informations ont un effet non négligeable :

"Il y a là un dilemme pour la presse : en se rapprochant de son dernier média afin de s'associer à son dynamisme et à sa capacité de conquête, elle n'a pour le moment aucune garantie d'être placée sur la trajectoire de la qualité".

"Il demeure en effet inexplicable que la presse en ligne qui commet, de loin, le plus d'erreurs, réactivité oblige, soit pourtant moins critiquée que la presse écrite ou audiovisuelle".

"La cisaille à couper la presse (...). Une lame est constituée par ces algorithmes dont l'audience use sans modération pour accéder aux contenus sans passer par les journalistes. L'autre lame, c'est l'audience elle-même qui refuse à la presse une position d'intermédiaire exclusif vers l'information. Les deux lames sont sur le réseau, l'audience peut les refermer".

L'avenir de la presse sous toutes les coutures

Les réflexions sur l'avenir de la presse s'étalent à longueur de pages web ces derniers jours. Voici quelques références :

- L'interview de Bruno Patino, directeur de la publication de Télérama, président du Monde interactif, qui publie, en collaboration avec Jean-François Fogel, Une Presse sans Gutenberg (Grasset), sur le site des Matins de France Culture, ici. Un peu longue, entrecoupée des chroniques de l'émission, mais fort intéressante. Bruno Patino y évoque la différence des deux journalismes, papier et web, des deux modèles industriels, des deux métiers, l'impact de l'audience, la valeur de l'information en ligne.

- Le blog de Pierre Assouline publie une critique du livre cité ci-dessus, ici.

- Sur Transnets, Francis Pisani évoque les "ajustements" qu'ont du opérer les grands titres de presse et pose la question de la mort possible du papier... ce à quoi ne coient pas les auteurs de la "Presse sans Gutenberg".

- L'Association mondiale des journaux publie un communiqué disponible sur le Journal du Net, où il est affirmé qu'il n'y a pas d'avenir pour les quotidiens sans Internet.

La presse en ligne : un essai pour un retour d'expérience

Emmanuel Parody fait sur son blog une note de lecture détaillée de l'essai publié chez Grasset par Bruno Patino, président du Monde Interactif, et Jean-François Fogel : " Une presse sans Gutenberg".

"L’essai n’apprendra pas grand chose aux habitués du réseau mais son propos est surtout de clarifier les termes du débat. En particulier d’affirmer haut et clair : pour le presse il n’y a pas de voie de retour, son avenir se joue en ligne et le lecteur y est déjà".

Il y regrette aussi que quelques points n'y aient pas été suffisamment abordés, comme la question des business models, de l'importance de la technologie dans la publication et de la viabilité de la presse productrice d'informations exclusives face à la concurrence des portails.

Il me reste à le lire d'urgence aussi ! Merci à Media Café pour avoir pointé l'info.

Sur les banlieues

Vu sur Esprit Blog. Ce que l'on trouve sur Google en faisant une recherche sur "banlieues" :

Du  point de vue du traitement de l'actualité, Jeff Mignon regrette sur son blog que les médias français aient peu innové dans leur traitement multimédia des émeutes : pas/peu de forums modérés, pas de création de blogs thématiques, qui auraient pu accompagner les événements en offrant aux lecteurs des plates-formes d'échange.

Le nouveau Monde

Peu sauront l'ignorer, aujourd'hui sort la nouvelle version papier du Monde. La direction souhaite atteindre ainsi à plusieurs objectifs :

• Répondre aux critiques adressées au journal, qui depuis 3 ans prennent leur part dans les raisons expliquant la chute des ventes du quotidien (voir l'article du Figaro ici). Eric Fottorino, directeur délégué de la rédaction, les y énumère : "surpromesses, bavardages, perte de densité, absence de hiérarchie, faiblesse dans l'analyse, mais aussi perte de la dimension internationale du journal ou encore distance trop grande avec le lecteur".
• Se différencier de l'offre d'informations disponible dans les gratuits et sur Internet : dans plusieurs reportages passés sur France 2 et France Internet, Eric Fottorino parle d'une "rapidité du net" que le papier ne peut égaler. D'où le pari de traiter les sujets d'actualité avec davantage de profondeur, d'explications, d'analyses. A cette fin, le 2e cahier du nouveau "Monde" se nomme "Décryptages".
• Se différencier des autres quotidiens nationaux : pour traiter l'information du jour, le quotidien a décidé d'ouvrir ses pages à des informations originales, qu'on ne trouve pas ailleurs. La principale innovation est la "page 3", réservée à un approche originale de l'actualité ou à un scoop du journal. La page sera mise aux enchères auprès de chaque service de la rédaction chaque jour.

Pour compléter, sur Editorsweblog, un post compare les stratégies de design des maquettes de journaux en Europe et aux Etats-Unis. De nombreux journaux européens auraient choisi le format tabloïd, pour offrir au lecteur une plus grande aisance de lecture. On y évoque le rôle croissant de la couleur et dispositions plus vivantes. C'est visiblement aussi le choix du nouveau Monde, à en croire les premiers visuels disponibles ici. Le décalage ne peut perdurer longtemps entre l'offre Internet, qui fait une grande place à la photo et aux infographies, et celle d'un quotidien dit de qualité.