J'ai lu et même englouti le livre de Jean-François Fogel et Bruno Patino. Il manquera peut-être à certains lecteurs avertis davantage de références techniques ou de chiffres, mais il est probable que cet essai n'avait pas vocation à devenir un rapport professionnel, mais à proposer une vision de praticiens sur l'avenir de la presse... par Internet.
On y retrouve de ce fait l'histoire et les spécificités de la presse en ligne : le fonctionnement de rédaction, moins pyramidal que celui de la presse papier, la forte contrainte temporelle, le suivi contraint et parfois frustrant de l'audience, la technicité recquise pour la production de contenus multimédia, la couverture de flux horaires et la mise à jour continuelle des informations pour "coller à l'actualité", plutôt que le choix d'une expertise ou d'un angle pour l'écriture d'un papier, la prise en compte croissante des avis et des contenus des lecteurs en ligne, la concurrence des portails, etc.
Il reste un questionnement qui parcourt le texte de part en part, celui concernant la qualité de l'information qui circule sur Internet. En bons professionnels, JF Fogel et B. Patino nous rappellent les bonnes pratiques du Monde.fr, qui préfèrera publier une information plus tard que ses concurrents, à condition qu'elle ait été vérifiée au préalable. Toutefois, la rapidité d'exécution, le manque de hiérarchie dans la présentation des informations ont un effet non négligeable :
"Il y a là un dilemme pour la presse : en se rapprochant de son dernier média afin de s'associer à son dynamisme et à sa capacité de conquête, elle n'a pour le moment aucune garantie d'être placée sur la trajectoire de la qualité".
"Il demeure en effet inexplicable que la presse en ligne qui commet, de loin, le plus d'erreurs, réactivité oblige, soit pourtant moins critiquée que la presse écrite ou audiovisuelle".
"La cisaille à couper la presse (...). Une lame est constituée par ces algorithmes dont l'audience use sans modération pour accéder aux contenus sans passer par les journalistes. L'autre lame, c'est l'audience elle-même qui refuse à la presse une position d'intermédiaire exclusif vers l'information. Les deux lames sont sur le réseau, l'audience peut les refermer".
Pendant que certains étaient à Berlin, d'autres étaient en Espagne pour assister à une réunion mondiale sur la presse. Il en résulte que :
- tout le monde va vers le quotidien en ligne
- progression du payant
- recherche du contenu grace au blog
- développement du placement de contenu sur d'autres supports comme les ipods, les archos, etc...
... voir notamment les modèles scandinaves et philippins...
Rédigé par : mry | novembre 20, 2005 à 12:28 PM
En effet ! Sur le modèle économique, ce n'est pas si clair. Dans son livre, Bruno Patino affirme que le marché publicitaire américain est suffisamment large pour que les titres tels le NY Times ou le Washington Post puissent se reposer sur un modèle publicitaire, gratuit pour l'internaute. En France, pour survivre, le Monde a fait le choix du modèle mixte parce que les revenus publicitaires étaient insuffisants. Il argumente également par une règle économique : tant que l'information disponible est substituable, elle ne peut être payante. Par contre, on peut faire payer au lecteur une information exclusive, d'où les zones payantes du Monde ou plus récemment des éditos du NY Times.
Le Monde.fr tire 40% de ses revenus des abonnements avec 77 000 abonnés, le NY Times dit avoir déjà 135 000 abonnés.
Toutefois, ce choix a été contesté, notamment par les blogueurs, qui considèrent que ces titres sont les sources premières des discussions à naître sur les blogs. En les rendant payantes, ces sources perdraient de leur impact et les blogueurs de matière...
Tant que le modèle publicitaire n'a pas montré que pour la presse d'information générale (hautement substituable...) était performant, les titres dits de qualité chercheront la différenciation et le déploiement de zones payantes à forte valeur ajoutée pour ses lecteurs fidèles, c'est de bonne guerre.
Rédigé par : Danielle | novembre 21, 2005 à 11:25 AM