Les Matins de France Culture accueillaient ce matin Jean-Marie Charon et Jean-Pierre Farkas pour revenir sur la crise que traverse France Soir, et plus généralement sur les déboires de la presse quotidienne française. Les échanges étaient intéressants, si vous en avez le temps, je vous suggère d'écouter l'émission en ligne ou de la télécharger sur votre iPod ici.
Deux regrets néanmoins parmi les analyses développées par chacun:
- la presse quotidienne a honte de parler de marketing. On évoque le succès de certains journaux, le dynamisme des magazines, l'ascension des gratuits et notamment de 20 Minutes, la pertinence de la formule du Parisien, mais comme s'il était fortuit. Or, chacun de ces exemples laisse entrevoir une méthode : analyser son public, son marché, ses atouts, ses marges de progression. Cette presse là a arrêté de penser depuis longtemps qu'elle ne s'adresserait pas à tous mais à certains segments bien précis de la population... et elle s'en occupe activement. 20 Minutes a été pensé pour les urbains qui souhaitent être informés de l'essentiel dans leur trajet matinal vers leur lieu de travail. Les magazines travaillent l'information qui va satisfaire telle ou telle niche. Le Parisien privilégie un style pratique et précis d'informations locales. Les grands titres de presse généralistes n'ont pas encore fait ce travail. Ils revoient leurs formats mais peu leurs contenus.
- les réserves concernant la stratégie dite "bi-média". En effet, la formule est peut-être malheureuse et sans doute réductrice. Il n'en reste pas moins que la présence des contenus d'un journal sur différents supports permet d'élargir sa cible et de diffuser sa marque. La présence d'un titre sur divers supports ne peut remplacer le travail qui doit être fait sur les contenus. Diffuser une formule qui marche mal n'a pas grand intérêt. Mais rendre disponible à tout moment les contenus de son journal à ses lecteurs, c'est aussi une manière de s'occuper d'eux: sur mobile ou sur iPod pour les trajets, sur le web pendant la journée de travail, sur papier dans un format acceptable (et sans encre sur les doigts !) pour les adeptes de la lecture du soir ou dans le métro, etc.
Jean-Marie Charon disait également ce matin que les quotidiens ne seront pas forcément ceux qui inventeront la presse de demain. On ne peut pas les empêcher d'essayer ;-).
Entièrement d'accord sur le constat. Même si l'expérience des deux commentateurs est impressionnante ils n'ont de toute évidence aucune expérience de lecture sur internet. Ils le disent d'ailleurs ca ne les intéresse pas! Pas mal de remarques restent pertinentes mais comme toujours en France on ne parle pas de modèle économique, pas de marketing et on parle de "l'envie d'aller vers le kiosque". Ca roupille sec...
Rédigé par : Emmanuel | avril 26, 2006 à 10:21 AM
Lors de mes déplacements dans les rédactions, quotidiennes, magazines, en France et ailleurs, je suis frappé par le manque de connaissance sur internet. En général, bien entendu. Et quand je dis manque… je suis sympa. C'est à ne rien y comprendre. La curiosité n'est-elle pas une des qualités de base de notre profession ? Je ne sais pas si ça roupille sec. Mais, beaucoup de nos confrères vont se réveiller avec la gueule de bois. Mon ami Francis me dit toujours : "ce ne sont pas les marchands de calèches qui sont devenus les leaders du marché de l'automobile". Ce que semble dire Charon. On espère qu'ils auront tord tous les deux ! Mais la balle est dans le camp des entreprises de presse et de leurs employés.
Rédigé par : Jeff Mignon | avril 26, 2006 à 06:22 PM
Je suis atterré de la récupération qui se fait autour de mon oncle
Pierre Lazareff.
Toute ma famille était à la base de France-Soir et faisait partie de
l’équipe dirigeante:
Mon père, Roger Féral (Lazareff) , Rédacteur en Chef, Directeur du
service spectacle, créateur et Directeur de l’agence SCOOP avec ma mère
Janine Féral (Lazareff) et évidemment mon oncle et tuteur (à la
disparition de mes parents) Pierre Lazareff, fondateur de France-Soir et
génial animateur de ce journal.
Je crois qu’il ne faut pas oublier une de ses maximes préférées : « La
première qualité d’un journaliste c’est d’être lu » et par extension, un
bon journal est un journal lu, ce qui n’est plus le cas pour le France
Soir d’aujourd’hui qui n’a aucune ressemblance, et depuis de longues
années, avec le quotidien qui a bercé toute mon enfance.
A qui la faute ? ce n’est pas à moi de le dire mais ce n’est sûrement
pas celles des repreneurs. Je ne suis pas d’accord lorsque j’entend les
journalistes de France Soir dire qu’ils veulent défendre le journal de
Pierre Lazareff, car ils ne font plus le même journal.
Pierre n’avait rien contre les journaux « people » (dans la limite de la
décence) puisqu’il avait créé France Dimanche, ni contre le Daily Mirror
puisque les bureaux de France Soir à Londres y étaient hébergés.
Il aurait voulu d’abord que le titre continue à vivre, mais ce n’est pas
en l’empêchant de paraître qu’il sera pérennisé ! Au contraire, les
lecteurs qui lui étaient encore fidèles vont se tourner vers un autre
support.
Un journal n’est jamais propriétaire de ses lecteurs, il faut savoir les
garder. Or pour les garder, il faut évoluer et constamment faire évoluer
la formule rédactionnelle en fonction de l'époque.
Laissons une chance de survie à France Soir, sinon ce ne seront pas 60
personnes qui seront sur le carreau mais 120, avec en prime un titre qui
aura été sabordé par ses propres journalistes.
François Lazareff
Directeur du journal Ouest Equestre.
Rédigé par : François Lazareff | mai 02, 2006 à 05:26 PM
Merci pour votre témoignage sur la crise qui secoue France Soir. Mon post adoptait il est vrai une approche généraliste du sujet, sans traiter le cas France Soir, pourtant annoncé dans le titre.
J'avoue que la tournure que prend la crise laisse songeur sur la capacité du titre à retrouver un lectorat en effet. Toutefois, France Soir reste une très belle marque, il me semble qu'avec un projet de reprise solide, il peut trouver sa place - une nouvelle place - auprès des lecteurs. Ce qui paraît surréaliste, c'est le désir de status-quo, le "on ne change rien, on continue" qui semble provenir des grévistes, sur la nostalgie d'une formule qui ne marchait plus...
Rédigé par : Danielle | mai 03, 2006 à 09:10 AM
Bonjour à tous,
Une expérience d'il y a quelques années avec un titre de PQR confirme ce qui est dit dans ce billet.
La situation : Deuxième quotidien régional de France derrière Ouest France, problème de ventes au numéro et d'image vieillissante (tout comme la cible)
Question à Nauconsultants : relookez moi mes documents boîtes aux lettres pour redonner envie de s'abonner
Réponse : attention, la multiplicité des moyens d'accès à l'information, le développement de la gratuité, la proximité plus grande des grands médias dans l'info régionale vont poser un problème de légitimité de votre information. Vous devez créer une nouvelle valeur ajoutée, basée sur la relation avec l'acheteur et le lecteur.
Action décidée : on fait un nouveau doc boîtes aux lettres, basé sur un nouveau concept "le journal des bons moments". Point.
Je souscris donc, malheureusement, à vos constats : tant que les populations habitant les titres de presse ne comprendront pas que le lecteur est d'abord un client, que le journalisme consiste à informer et aussi à donner envie, que d'imprimer un quotidien n'est pas un acte uniquement industriel et une question d'organisation du travail et -surtout- quand des responsables charismatiques et porteurs d'un projet de fond et d'une ambition nouvelle ne seront pas revenus, la notion de marketing sera difficile à mettre en oeuvre. De gros efforts sont réalisés actuellement, des intitatives prometteuses mais pas assez rapides...
Rédigé par : Stéphane Nau | mai 03, 2006 à 02:09 PM
"20 Minutes a été pensé pour les urbains qui souhaitent être informés de l'essentiel dans leur trajet matinal vers leur lieu de travail."
Il me semble qu'on ne peut pas comparer le "rendement" d'un encart publicitaire placé dans un gratuoit et celui d'un journal payant. Comme son nom l'indique, 20 Minutes est lu en vingt minutes, voire moins et jeté très rapidement.
Comment les annonceurs prennet-ils en compte cette faible implication de nos "temps de cerveaux disponibles" entre Chatelet et Opréra?
Rédigé par : Eric | mai 04, 2006 à 08:21 AM
Je suis étudiante et j'ai choisi de traiter le sujet "l'avenir de la presse". Lors de mes recherches j'ai constaté que les gratuits ne sont pas les concurrents directs de la presse quotidienne.
Ils ont certainement stimulé le relookage de certaines éditions, mais ils n'altérent en rien les ventes.
Il est prouvé que le principal concurrent de la presse quotidienne est le format magazine. Ceux-ci reprennent les points d'actualité et traitent d'un sujet qui intéresse le lecteur.
J'ai été heureuse d'apprendre lors de la rédaction de mon mémoire, que le métier de journaliste n'était pas en voie de disparition mais en période d'évolution. Les témoins de l'actualité ont donc encore beaucoup de travail à fournir.
Rédigé par : Delphine | juin 01, 2006 à 11:20 AM
En effet, dans la masse d'informations désormais disponible, je crois aussi que l'on a plus que jamais besoin de journalistes professionnels, qui fassent un travail sérieux de vérification des sources, de reportage sur le terrain, d'explicitation, etc.
Rédigé par : Danielle | juin 02, 2006 à 11:42 AM