Libé propose aujourd'hui une interview de David Targy, auteur d'une étude sur les stratégies de développement des médias sur l'Internet.
Je suis d'accord avec lui sur le premier constat : les médias traditionnels ont surtout développé des sites "compagnons", offrant finalement peu de place à l'interactivité et à la participation des lecteurs. De fait, ce pas en avant suppose des investissements non négligeables que la plupart des groupes de presse français notoirement peu capitalisés ne peuvent facilement fournir.
Sur la faiblesse des revenus générés par l'e-Pub. Les difficultés du modèle publicitaire sont connues, toutefois, je ne crois pas qu'il ne faille pas espérer un mieux. Un transfert s'opère lentement vers Internet et je crois qu'il permettra à terme d'être une source de financement tout à fait plausible pour les sites de média. A la condition que ceux-ci sachent davantage valoriser la qualité de leurs cibles auprès des annonceurs pour vendre à un CPM décent. La course à l'audience et la grande braderie des espaces publicitaires ne semblent pas véritablement gagnants. Peu d'éditeurs en ligne peuvent aujourd'hui se permettre de refuser des campagnes pour tenir leurs tarifs. Mais ceux-là préservent leur marque, savent travailler pour attirer les bons publics, les qualifier et les faire rester sur leurs sites pour créer de l'attention. Il est clair que cela ne va pas sans avoir un investisseur patient...
Sur la stratégie des portails généralistes. Certes, ceux-là ont su attirer l'audience de masse et beaucoup des revenus publicitaires. En utilisant les potentialités du web, ils ont su répondre aux besoins mainstream du lecteur de news en ligne et proposer aux annonceurs un canal pour diffuser un message indifférencié au plus grand nombre. Ils sont des concurrents sérieux, mais je crois qu'il est dangereux pour les éditeurs de presse de vouloir proposer une offre comparable ou de courir après leurs chiffres d'audience. A mon sens, un éditeur, même généraliste, a et doit avoir un métier différent : s'adressant à une audience plus ciblée, plus exigeante, ses contenus sont plus travaillés, plus en profondeur, tout en offrant un dialogue avec les lecteurs, par exemple sur la construction de l'information, ses sources, voire son ressenti, etc. Quant à la volonté de certains portails comme Yahoo à investir dans la production de contenus, les rumeurs ne laissent pas vraiment croire que les expériences tentées jusqu'à présent soient très concluantes (voir par exemple ici l'annonce de l'abandon d'un show de divertissement créé par Yahoo). Par ailleurs, leur modèle est justement si profitable du fait de cette externalisation totale de la production de news. Vouloir investir pour avoir des rédactions capables de produire des contenus sur presque tous les sujets représenteraient des coûts fixes inimaginables. Ce sont les analystes financiers qui ne seraient pas contents !
Enfin, sur le "time to market". Je ne crois pas non plus qu'il y existe un véritable avantage au premier entrant. Plusieurs exemples sur Internet l'ont montré : Microsoft Internet Explorer, Google...Un service peut en balayer un autre assez rapidement, parce qu'il est meilleur, plus innovant, parce qu'il est porté par une marque plus puissante ou bien d'autres raisons. L'exemple donné par l'auteur ne me paraît pas très bien choisi. Aufeminin.com reste une destination importante en ligne parce qu'il reste le site le plus fourni et le mieux adapté à Internet. L'arrivée du site de Elle récemment aurait pu avoir l'effet d'un raz de marée. Mais elle.fr est pauvre, d'une ergonomie incompréhensible et lent -- dommage pour pouvoir profiter de l'essentiel de la valeur ajoutée du site par rapport au magazine : les photos, vidéos, diaporamas, tests, etc. A en juger le dynamisme du marché des magazines papier féminins, il y a encore de la place en ligne, mais les lectrices du web resteront encore sur Aufeminin.com. Est-ce vraiment parce que le site a été un des premiers féminins du web français ?
Merci Danièle pour ces analyses éclairantes, c'est vrai qu'il y a de quoi perdre son latin parfois.
Je suis heueux aussi que le sujet de la marque soit mis en avant. Seule un mix comprenant une marque forte peut prétendre tirer son épingle du jeu.
D'autre part, c'est de la complémentarité des medias qu'il s'agit. Chaque vecteur de communication et business a son rôle à jouer, mais il induit aussi une perception spécifique du consommateur ou du lecteur.
Enfin, la rapidité est un maître mot, et là ce n'est pas seulement de communication dont on parle, mais aussi de remise en question et de financement.
A bientôt !
Rédigé par : Stéphane Nau | août 25, 2006 à 03:28 PM