Je vais tenter de faire un compte-rendu des parties de la journée Agoravox auxquelles j'ai assisté ce samedi. Tout d'abord, un petit mot de félicitations pour une organisation bien ficelée. Voici une vision un peu linéaire des tables rondes, puis un sentiment général.
"Blogs et médias citoyens : alternatives efficaces contre la censure"
C'est sur, les intitulés des tables rondes ne font pas dans la nuance. De quelle censure parle-t-on ? Et le "5e pouvoir" que l'on s'arroge ici, quel est-il ? Existe-t-il vraiment ? Les interventions sont plus nuancées.
Guillaume Champeau donne d'abord sa vision de juriste sur quelques textes ou rapports concernant la liberté d'expression des médias disons non-professionnels. Il souligne d'abord ce que Dan Gillmor avait énoncé comme une "alliance entre le gouvernement et les pro-copyright". En France, la loi sur le droit d'auteur porterait une atteinte directe, d'un point de vue juridique, à la création de plates-formes P2P. Dans la loi sur la prévention de la délinquance, dans le dispositif de lutte contre le "happy slapping", il serait interdit aux non-journalistes de diffuser ces vidéos. Enfin, le rapport Tessier propose la création d'un label de qualité du "journaliste citoyen" dont la condition serait le rattachement à une rédaction professionnelle. D'une certaine manière, ce journalisme non-professionnel est quelques fois mis sur la touche, quelques fois reconnu, mais dans le souci d'être encadré. Une censure indirecte, dont on se demande en effet si elle est nécessaire, puisque dans une certaine mesure, la marque des médias joue aussi ce rôle de label de qualité. Libre aux médias d'abriter des signatures nouvelles sous leur bannière et aux lecteurs de choisir leurs destinations en toute subjectivité, non ?
Puis Jean-Luc Martin-Lagardette tente une définition plus systématique de la censure existant dans les milieux journalistiques. Il évoque d'abord la censure "officielle" qu'il y aurait dans la convention des journalistes, où un article dit que la liberté d'expression du journaliste ne doit pas mettre en danger la vie de l'entreprise. Cet article aurait été utilisé par la direction du Monde dans son conflit avec Daniel Schneidermann. Il y aurait également une censure "par omission", une auto-censure des journalistes, qui, pour ne pas se mettre en difficulté, préfèrent ne pas rendre publique telle ou telle information. Enfin, il y aurait une censure indirecte, liée aux aides publiques de l'Etat dans la presse, qui fait que certaines publications contestataires ne sont pas financées. J'avoue que ce qui me gêne le plus, c'est indiscutablement la seconde. Sans en connaître la dimension, notamment pour les informations générales et politiques. Cela dit, j'aurais préféré - pour aborder ce genre de thématiques polémiques, une véritable enquête, sérieuse, étayée de faits. Ne faire que les aborder par quelques exemples ici ou là agite tous les fantasmes conspirationnistes concernant la profession journalistique. Est-ce cela "réinventer le journalisme" ? Bof.
La dernière intervenante est Chantal Enguehard, chercheuse, qui prend parti sur l'apport du vote électronique. De manière musclée et convaincue, elle nous draisse un tableau sans complaisance sur la fiabilité de ces "machines à voter" à date. Clairement, il n'y aurait pas aujourd'hui de machine fiable, sans défaut de sécurité majeur. Le danger de fraude est surtout interne. Un programme dissimulé dans la machine pourrait présenter des résultats totalement biaisés par rapport au vote réel. Car ce qu'il reste dans la mémoire de la machine n'est pas le réel, mais sa représentation. "Ceci n'est pas une pipe"... Elle invite donc à voter la pétition suivante pour le maintien du vote papier... tant que ces questions là n'auront pas trouvé de réponse satisfaisante.
La table ronde se termine par un témoignage émouvant vidéo de Denis Robert. De la difficulté de dire ce qui dérange. Je ne connais pas son travail pour donner un avis circonstancié. Mais il parait un peu fou de voir un journaliste ainsi "black-listé", intimidé. Si ces enquêtes sont sérieuses, j'espère que la justice fera (bien) son travail.
Bonjour Daniele, on a dû se croiser dans les couloirs...
Pour ma part, j'ai podcasté Francis Pisani qui revient sur la manière dont il voit l'appropriation du web par les internautes citoyens.
A ma grande surprise, pour lui l'appropriation ne s'est pas encore faite au niveau des medias citoyens, faute de stratégie sociale claire.
Il est vrai que le concept de journalisme citoyen semble s'essouffler et la question du pouvoir que veulent (peuvent) exercer les internautes reste posée ...
Intéressante cette journée :-)
Rédigé par : phil | mars 26, 2007 à 01:43 PM
Bonjour Phil, je n'arrive plus à accéder à UniversMédia, pb avec Internet Explorer ? Oui, intéressante journée, dans le sens où elle renvoie un peu le "journalisme citoyen" à lui-même... Qu'est-il capable de faire en réalité ? Y a-t-il un objectif même commun entre toutes les initiatives ? Le constat reste enthousiasmant, mais mais "puissant" que certains voudraient le croire. Je vais essayer de continuer de livrer mon compte-rendu dans la journée.
Rédigé par : Danielle | mars 26, 2007 à 03:20 PM
Bon courage !
Je vais vérifier sur un PC l'accès à UniversMédias (je travaille sur Mac...)
Rédigé par : phil | mars 26, 2007 à 08:13 PM
Denis Robert a été l'un des premiers journalistes a couvrir l'affaire Grégory il y a plus de 20 ans avec Laurence Lacour (l'auteur du "Bucher des Innocents" dont a été tiré le téléfilm récemment). Comme elle, il a décroché du journalisme quotidien, voulant prendre du recul face aux pressions induites par le système. Il s'est mis à faire des enquêtes de fond et d'investigation sur les "affaires", la corruption et le blanchiment d'argent. Il a notamment signé un documentaire avec Philippe Harel et il est a l'origine de l'appel de Genève, un texte signé par certains des plus grand juges anti-corruption européens. Bref, c'est un journaliste intègre, qui mène un combat risqué et courageux, un combat qui rappelle celui de David contre Goliath. Il est poignant de voir qu'après tant d'années de lutte pour la "vérité", il soit si peu (re-)connu.
Rédigé par : barbey stéphane | avril 27, 2007 à 10:40 PM