Quelques facéties plus tard (photos avec des agents du NYPD, escapades dans les boutiques aux mille produits dérivés de Time Square), revoilà notre groupe en costume / tailleur de rigueur prêt à affronter une nouvelle journée riche en rendez-vous.
CNN
Les photos sont interdites dans le hall de Time Warner. Bon, quelques flashes crépitent tout de même ! Nous attendons dans une salle de réunion à la disposition improbable : une table très "salle du conseil" trône au milieu de chaises réparties à la façon d'une salle de conférence. Bref, personne ne sait trop où ça se passe...
La première intervenante est la directrice des ventes à l'international. Elle insiste sur le fait que désormais, elle ne commercialise plus des supports différenciés mais une agrégation d'audience toutes plates-formes confondues. C'est le principe du "one-stop shop", c'est-à-dire la capacité à vendre tout ce que la marque CNN propose aux annonceurs. Ses principaux challenges pour l'année à venir sont bien-sûr la crise (i.e., la diminution du nombre de comptes) et la décentralisation progressive des budgets publicitaires au niveau local.
La mission de la chaine est réaffirmée : "leadership in delivering information". Pour toucher de nouvelles audiences, plus jeunes, qui n'appartiennent pas au public naturel du network, la chaîne a notamment lancé une expérimentation avec Facebookpendant la cérémonie d'investiture du Président Obama qui a très bien fonctionné(28k vidéos visionnées). CNN utilise de plus en plus les feedbacks des téléspectateurs postés sur Facebook, My Space ou Twitter.
Puis le rédacteur en chef du bureau de New York qui couvre la région Nord-Est intervient à son tour : il encadre 120 journalistes, correspondants et producteurs répartis sur plusieurs sites (Boston, Philadelphie, etc.). Il dirige également la rédaction web, qui reste séparée des autres journalistes. La conférence de rédaction est commune aux deux supports. Pour lui, les modes d'écriture sont différents entre la TV et le web. Toutefois, tous les journalistes sont formés à l'écriture web et sont équipés d'une caméra HD. Petit à petit, sans doute, l'approche des métiers de la rédaction donnera un peu plus de place à la polyvalence.
La participation des internautes est organisée autour de la plate-forme "iReport", qui permet à la communauté de remonter les sujets qu'elles considèrent comme des news. Une sélection est faite régulièrement pour passer des sujets d'iReport sur CNN.
Sur les sites Internet de news, la moyenne du temps passé d'un internaute est de 38 minutes / mois. C'est beaucoup. Pour lui, Internet est le média de l'info très chaude, sans cesse mise à jour. Dans un contexte de surabondance de l'offre et de raréfaction de l'attention, la TV devrait davantage se positionner sur l'analyse de quelques sujets. Venant d'un responsable de la chaîne qui a inventé le format de l'info en continu, c'est savoureux.
MTV Networks
Trois intervenants chez MTV et 3 points de vue différents de leur métier : business online, documentaires et organisation.
La première virevolte, avec un débit inimitable, elle égrène ses faits d'arme sur le site vh1.com. La stratégie de développer massivement l'offre de vidéos, notamment du fait de CPM plus élevés sur vidéo que via le display classique. L'offre de catch-up TV doit également être développée, du fait du succès croissant des vidéos proposant des épisodes entiers (1 semaine après la diffusion TV). Le stock mis en ligne depuis 4 ans atteint 17k vidéos.
Autre enjeu : celui de la visibilité de l'offre de sites en ligne. Sur les 8M de visiteurs uniques, la moitié du trafic était lié à des pages ou sites de programmes de l'antenne. Mais le groupe avait mis en ligne de manière non planifiée plus de 100 sites verticaux, qui adressaient les besoins des utilisateurs mais sans grande lisibilité ni très grand succès auprès des annonceurs (faible puissance). L'offre éditoriale a donc été restructurée autour de quelques grandes marques, ce qui permet de proposer des offres de sponsoring plus intéressantes aux annonceurs.
Le second nous parle de l'activité de documentaires de la chaîne. 8 à 10 programmes sont produits par an, soit "in house", soit en co-production, soit via acquisition. Ils nécessitent près d'un an de projet pour être produits. Ici, on parle de "good story". A noter qu'un documentaire sur les Beastie Boys a été créé à partir de contenus uniquement UGC et que les droits sont exploités ensuite sur l'ensemble des plates-formes & en DVD.
Le dernier nous explique que MTV est une organisation verticale, par zone géographique. Des conseils hebdomadaires se tiennent sur des sujets transverses (musique, technologie, etc.) et des centres créatifs ("creative hubs") sont déployés de manière régionale. Certaines exploitations sont co-financées de manière à détenir les droits internationaux. A son sens, le focus de MTV pour le support TV est sur le divertissement, pour le online, il est sur la musique.
DOW JONES / WSJ.com
Pincement au coeur en arrivant devant l'immeuble du Dow Jones : nous sommes en face de Ground Zero. Quelques cookies plus tard, nous voilà assis dans une salle du conseil en bonne et due forme pour écouter une des meilleures oratrices de la semaine. Ellen Desmarais s'occupe de la stratégie du groupe de presse, elle nous détaille le contexte de l'industrie et ses projets.
Vénérable maison fondée en 1882, le WSJ possède des bureaux dans 86 villes. Racheté après un épisode rocambolesquepar R. Murdoch, le journal est désormais la propriété de News Corporation (quelques uns d'entre nous ont atterri par hasard dans le bureau de - vide - de RM... émotion !).
Les tendances de l'industrie seraient les suivantes :
- Commoditisation de l'info
- Explosion du nombre de sources de news disponibles et concurrence féroce pour attirer lecteurs et annonceurs
- Détournement de l'attention du consommation des médias traditionnels vers Internet et le mobile (mais aussi un moyen de toucher de nouveaux consommateurs)
- Dépenses pub qui suivent les usages des consommateurs : les annonceurs ont de plus en plus de moyens différents de toucher les lecteurs
- Positionnement du média numérique : "low price / high value"
- Audiences plus jeunes avec de nouveaux usages de consommations des médias : croissance du "social media"
- Format papier sous pression... pour ne pas dire plus. Il est bel est bien question de gérer la décroissance du print.
Les réponses apportées de manière générale à ce stade par le Groupe sont de :
- Diversifier les sources de revenus et diminuer la dépendance à la publicité
- Réduire la dépendance au print et développer les nouveaux accès : appli Blackberry, podcasts audio et vidéo, chaîne sur You Tube, abonnement sur Kindle
- Maximiser les revenus autour des marques actuelles
- Créer de nouveaux business en ligne pour toucher de nouveaux publics, aussi avec de nouvelles marques (âge moyen du print = 55 ans vs online = 49 ans...)
- Croître à l'international
Alors, c'est sûr, le WSJ peut toucher avec un reach de 75% les top "business decision makers", à 82% les "market moving investors" et les "affluent customers" au revenu annuel moyen de 241k$... dont raffolent les certains annonceurs. Les projets lancés par le groupe en 2008 les touchent particulièrement : conférences haut de gamme (eco.nomics, view points, CEO Council), applications mobiles, magazine de luxe (WSJ.), portail thématique dédié au vin (wsjwine.com). Un site a été lancé pour toucher une audience plus jeune : Filife, dédié aux finances personnelles.
Le discours est confiant, ils s'abritent derrière un choix de business model payant qui en ces temps heurtés tentent à nouveau de nombreux médias sur Internet. Il reste que la majorité des abonnements sont souscrits par des entreprises pour leurs salariés et que les initiatives décrites à ce stade semblent un peu dérisoires par rapport à l'effondrement de l'industrie auquel nous assistons - surtout aux US.
En sortant, nous nous retrouvons devant Ground Zero. Il faut reconstruire. Ca prend du temps.
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