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Partialité chez Yahoo News

Il y a quelques temps, Yahoo News lançait sa rubrique Editos/Blogs au sein de sa chaîne Actualités. Ainsi, mêlés aux dépêches d'agence relatant les faits de manière neutre, les éditoriaux ajoutaient des points du vue de journalistes à l'information brute.

Ces journalistes - indépendants ou de la presse régionale - sont désormais rejoints par une figure de la gauche militante : Bernard Cassen, président d'honneur et membre du conseil scientifique d'ATTAC.

Sans jugement sur les autres éditorialistes et la qualité de leur travail, Bernard Cassen est le seul éditorialiste de poids et "à signature" de Yahoo News. Et surtout, c'est le seul à avoir un angle d'analyse ouvertement partial.

Ainsi, tous les jours, en pleine campagne référendaire, une chronique de Bernard Cassen, partisan du non radical au Traité constitutionnel européen, vient alimenter le fil de nouvelles diffusées par le portail.

Or, Yahoo News est le premier site d'actualités en France... ce n'est pas (plus) neutre !

Plutôt choquée par ce parti pris venant d'un acteur Internet sans couleur politique particulière, j'ai réagi pour demander aux responsables de la chaîne de rééquilibrer leur propos et d'ouvrir le portail d'actus à un autre éditorialiste de poids favorable au oui !!

Si vous souhaitez en faire autant, laissez votre message ici !

Sur la question du biais des médias

A partir d'un article de Wired, Editorsblog se pose la question de savoir si le blogging peut influer sur la subjectivité des journalistes. Les bloggers revendiquant pour la plupart leur partialité, on peut se demander si les journalistes ne pourraient pas également dévoiler un peu plus de leurs opinions. Commentant les codes du NY Times et du Wall Street Journal, obligeant leurs journalistes à la neutralité, le journaliste de Wired, Adam L. Penenberg, argumente :

"Reporters are people, too (really), and just because they express opinions doesn't mean their reporting should be dismissed out of hand, as long as they arrive at their conclusions honestly through rigorous reporting".

L'avis de Glenn Reynolds d'Instapundit est intéressant : à son sens, l'expression des opinions des auteurs permet au lecteur de savoir à partir de quel point de vue le journaliste se situe sans avoir à deviner un "biais caché".

Les évolutions restent à imaginer : la popularité des blogs auprès des journalistes eux-mêmes influera-t-elle sur les journaux et leurs codes de neutralité ? Les journalistes pourront-ils inclure des opinions plus personnelles ou en restera-t-on à un journalisme traditionnel revendiquant sa neutralité, tandis que la blogosphère continuera sa croissance en toute partialité ?

Pour une repolitisation des médias traditionnels ?

C'est une interview de Jay Rosen, professeur de journalisme à NYU et rédacteur du blog Press Think, dans l'hebdomadaire Enjeux Les Echos de décembre 2004 qui a confirmé une intuition concernant le débat sur les biais dans les médias.

Interrogé sur le phénomène des blogs et ce qu'il apporte au monde des médias, Jay Rosen y explique comment les "bloggers" ont pris le contrepied de la hiérarchie des professionnels :

Les "pros" partent de l'idée qu'ils doivent d'abord présenter les faits, pour que le citoyen puisse ensuite se forger une opinion. Mais on peut aussi bien se dire qu'intéresser un citoyen aux affaires du monde et de la cité passe d'abord par le débat et la polémique, qui ensuite, l'inciteront à s'informer des faits lui permettant d'y participer activement. 

Avant les succès de la presse gratuite et la mise en ligne des fils de news sur les grands portails, le grand public n’avait pas accès à l'information brute, aux dépêches d’agence. L’information était retraitée et mise en perspective par les grands médias. Le menu des journaux (papier, tv ou radio) consiste alors à présenter "objectivement" les faits du jour, puis à ajouter des reportages et enfin d'insérer des débats, opinions et éditoriaux. Le grand public n’accédait qu’à une information retravaillée. Elle attendait donc des médias un sérieux, une honnêteté, une grande objectivité, dans le traitement de l’information. Celle-ci ne devait pas être biaisée, sous peine que des détracteurs engagent des procès d’intention aux journalistes et à leurs rédactions de leur « cacher la vérité ».

Désormais, l’information brute est directement accessible par le grand public et en temps réel, sur de multiples supports. L’attention s’y porte mais se dirige également vers les blogs et wikis, qui semblent vouloir promouvoir une information alternative, loin de la « pensée unique » des médias traditionnels, voire revendiquent leur partialité.

N’est ce pas à dire que les lecteurs sont désormais suffisamment informés et souhaitent recueillir des avis – des journalistes des médias connus mais aussi de leur communauté virtuelle – pour commenter et discuter les faits bruts livrés par les dépêches ?

Finalement, ne peut-on pas interpréter cette demande comme une demande d’engagement de la presse ? Pour qu’elle affirme son identité ? Qu’elle cesse de s’affirmer objective quand elle promeut une idéologie ? Plus de transparence est bienvenue, les lecteurs ne bouderont pas le débat…

Quand dénoncer le biais des médias devient idéologie...

L'article de Matt Welch dans Reason a le mérite d'épousseter le débat sur les biais dans les médias. Les plus grands dénonciateurs des biais dans les médias traditionnels ne sont-ils pas eux-mêmes les hérauts d'une autre idéologie ?

Finalement, en créant des médias "personnalisés" (sites agrégateurs de news issues de sites sélectionnés) ou auto-créés (blogs et wikis), évoluant dans la communauté qui leur convient, ceux-ci disposent d'une information attendue, correspondant à leurs options, mais qu'en est-il de la réalité des faits ?

Selon l'auteur, le mouvement des blogs et  autres sites collaboratifs créera quelque chose de plus grand que les médias traditionnels..."probably" ; de meilleur ... "arguably" ; de plus efficace... "we'll see" !

L'attention des médias

Ethan Zuckerman a mené une étude au sein du Berkman Center for Internet & Society de la Harvard Law School afin d'évaluer quantitativement ce qui pousse les médias à consacrer plus d'attention à certains pays plutôt qu'à d'autres.

Le projet a produit des GAPs ou Global Attention Profiles de différents médias, en fonction de l'attention qu'ils portent à différents pays. La méthode est assez simple : grâce à logiciel (open-source, sous licence GPL), les sites de 7 médias sont explorés pour relever les articles parlant de tel ou tel pays : Google News, AltaVista News, NY Times, NY Post, Washington Post, CNN, BBC. Chaque recherche est adaptée aux spécificités des moteurs de recherche de chaque site (antériorité disponible, recherche boléenne ou pas, etc.).

1e étape de l'analyse : une cartographie du nombre d'articles par pays est établie par média. Par exemple, un coup d'oeil permet de voir que CNN concentre sa couverture sur l'Europe de l'ouest, le Moyen-Orient et le Sud de l'Asie, alors que la BBC consacre une meilleure couverture à l'Afrique, notamment anglophone.

Résultat pour CNN aujourd'hui

Résultat pour la BBC aujourd'hui

2e étape : L'auteur analyse les corrélations entre la couverture des médias sur chaque pays (nombre d'articles par pays) et plusieurs critères économiques (PNB / habitant, importations et exportations de biens & services, investissements directs de l'étranger), démographiques (nombre d'habitants), technologiques (nombre de PCs, d'utilisateurs Internet, de téléphones mobiles), etc.

Sa conclusion est que le lien le plus explicatif est le PNB. Plus un pays a un PNB élevé, plus les médias s'intéressent à ce pays. La population n'est pas très explicative, les critères technologiques le sont plus. Toutefois, rien n'égale la présence d'un conflit ou d'une catastrophe dans un pays pour expliquer sa couverture médiatique : c'est le cas du Moyen-Orient, où le PNB n'explique pas la surexposition médiatique, et ces derniers jours de l'Asie du Sud-Est (en rouge sur les cartes), à cause du drame causé par le tsunami.

Débat sur les biais des médias

Le débat sur l'existence ou non de biais dans la manière dont l'actualité est relatée par les médias aux Etats-Unis est plutôt agité (cf. l'article de Slate sur le journalisme de guerre). Jay Rosen, professeur de journalisme de la New York University (NYU), dans son blog Press Think montre du doigt cette polémique "peut-être idiote", qui a oublié les missions originelles du journalisme. A son sens, la presse doit être considérée comme politique et s'il faut réagir, ce n'est pas dénonçant le biais supposé du journaliste ("spin", considéré par certains observateurs comme mauvais), mais en discutant sa ligne politique. Par ailleurs, la presse se serait pas supposée assister les lecteurs mais leur donner les ressources pour réfléchir.

Du côté des économistes, ce débat commence également à pointer du nez, notamment parce que les enjeux en termes de qualité de l'offre de presse peuvent être intéressants à suivre pour l'avenir économique de cette industrie. Une recherche produite par Mullainathan (MIT) et Schleifer (Harvard) en 2002 a produit le résultat suivant : en considérant que la presse peut présenter deux types de biais, l'idéologie et la course au scoop, si deux titres de presse sont en concurrence sur un marché, alors l'effet de la concurrence sera de réduire le biais idéologique mais de renforcer la course au scoop. Par contre, dans une situation de monopole, les effets seront inversés.

En prenant une approche différente, d'autres chercheurs, Nathalie Sonnac, Jean Gabszewicz et Didier Laussel, ont montré également que dans le cadre d'une concurrence entre titre de presse, la tentation des titres est de se faire le vecteur d'une certaine "pensée unique", moins différenciante sur le marché, pour plaire au plus grand nombre et attirer ainsi plus d'annonceurs.

Cela dit, la dernière publication de Mullainathan et Shleifer en 2003 rend l'enjeu plus subtil : pour eux, les titres de presse présentent un biais, mais il est celui attendu par ses lecteurs... qui perçoivent par conséquent leur journal comme "non-biaisé" (puisqu'ils sont d'accord avec les options du journal).

Finalement, on a un peu l'impression que le débat tourne en rond. Dans une étude de l'institut Pew Internet sur les médias en ligne pendant la dernière élection présidentielle américaine, une majorité d'Internautes dit préférer avoir accès à une information "non-biaisée". Mais le biais vient-il du journaliste qui produit et hiérarchise l'information ou du lecteur qui la perçoit avec ses référents propres ? On pourrait se dire qu'un article biaisé est finalement plus intéressant à lire qu'une information brute, car lui appelle à une réaction de son lecteur.

Médias en ligne : diversité ?

Bonjour,

j'ouvre aujourd'hui ce blog avec quelques mots sur une des problématiques que je souhaite aborder dans mon travail de thèse.

Le monde des médias est celui qui a le plus rapidement et le plus naturellement investi les supports en ligne. Plusieurs indépendants se sont lancés dans l'aventure, croyant pouvoir trouver un nouveau style, de nouveaux lecteurs et des ressources promises à une croissance exponentielle via la publicité en ligne. Beaucoup ont disparu dans les dernières années, mais ils ont laissé la marque de leurs expérimentations aux médias plus institutionnels : liens hypertextes, blogs, forums, chats, etc. De nombreuses fonctionnalités multimédias se sont invitées sur les sites médias traditionnels, rendant leur lecture plus riche et plus diversifiée.

Toutefois, les médias traditionnels se différenciaient par la qualité de leur tri, de leur hiérarchisation et de leur analyse de l'information. Désormais, les médias sont tous en ligne (TV, radio, presse) confrontés à d'autres besoins des lecteurs : rapidité, frâcheur de l'information, facilité d'accès et hiérarchisation. Ce qui faisait l'originalité des médias semble peu à peu écarté pour répondre au plus rapide, au plus référencé et au plus clair. Dans ce contexte, comment s'étonner qu'en France, le premier site médias soit Yahoo News ?

Ainsi, alors qu'Internet symbolise la diversité et l'abondance de l'information, la plupart des Internautes finalement ne consultent qu'une poignée de sites pour répondre à leur besoin d'information(portails généralistes notamment), ceux-ci étant essentiellement composés de dépêches d'agence, qui, si professionnelles soient-elles, n'offrent pas au lecteur l'analyse et le recul d'un média traditionnel.

Dans une étude de l'institut Pew Internet analysant une dizaine de sites médias les plus consultés aux Etats-Unis, les analystes constatent que 30% du contenu sont des articles produits pour le titre traditionnel puis mis en ligne, 30% sont des dépêches retravaillées par les journalistes et 40% sont des dépêches brutes d'agences.

Cette soudaine pauvreté des sources d'information étonne. Les phénomènes de blogging et l'émergence des fils RSS portent en eux les capacités de réponse à cette organisation de marché, poussant à une nouvelle "pensée unique", mais ils sont pour l'instant marginaux.

A suivre donc...