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Une bonne grosse rumeur, ça vous dit ?

Sur Média Café, Jeff diffuse celle des gloden boys de Merill Lynch : Yahoo serait sur le point de se faire racheter par un groupe de médias. Plusieurs noms circulent avec des occurrences plus ou moins élevées : News Corp (++), Microsoft (+/-), fusion avec AOL (+).

La source : tout de même un très sérieux rapport de l'équipe Equity Research de la banque d'affaires...

La concentration des médias : un épouvantail ?

Deux articles du Monde daté du 28 mars se font face sur la question de la concentration dans les médias. L'un est signé de Michel Diard, secrétaire général du Syndicat national des journalistes CGT et d'Alain Goguey, membre du bureau national. L'autre, en réponse est signé de Patrick Eveno, maître de conférences à l'université Paris-I - Panthéon-Sorbonne et secrétaire général de la Société pour l'histoire des médias.

Le premier dénonce la main mise de plusieurs grands groupes sur des titres de presse (notamment quotidiens) et leur influence au sein des rédactions. Il appelle le législateur à renforcer le statut du journaliste pour lui laisser plus de latitude pour exercer sa profession. Le second,  titré ironiquement "Vive la concentration des médias !", a une toute autre interprétation des mouvements économiques en cours dans les entreprises de presse françaises. Pour Patrick Eveno, celles-ci n'ont pas réussi leur mutation, elles ne sont pas devenues de grands groupes multimédia, à l'instar de leurs homologues européens ou américains. Aujourd'hui, les groupes de presse français sont des nains économiques... que des industriels hors média peuvent facilement s'offrir pour donner une touche à leur portefeuille d'actifs qui suggère l'influence...

Il me semble en effet que l'angle "concentration" est un peu passé pour analyser le ou les problèmes économiques de la presse. Je peux concevoir également qu'avoir un nouveau patron dont la presse n'est pas le métier d'origine parlant d'"idées saines" n'est pas particulièrement confortable pour un journaliste.

Toutefois, il y a bien des chantiers sur lesquels la presse en France peut évoluer : trouver de nouveaux publics notamment sur Internet mais pourquoi pas dans d'autres segments plus spécialisés de leur savoir-faire (économique, culturel,...), s'adapter à un contexte où l'exposition des lecteurs à l'information est plus complète, travailler son contenu pour le rendre plus attractif et complémentaire aux informations disponibles gratuitement (voire jouer un rôle de guide au milieu de ses informations), nouer des partenariats pour diffuser ses contenus sur de nouveaux supports...

Toutes ces innovations nécessitent d'être testées, nécessitent souvent des investissements et bien-sûr, certains de nos groupes de presse n'en ont pas les moyens. Les prises de participation de  groupes industriels dans la presse quotidienne ne sont vraisemblablement que des renflouements fondés sur des critères purement financiers. C'est pourquoi, comme Patrick Eveno, il me semble que des rapprochements industriels qui ont du sens peuvent être une solution plus pérenne pour bâtir des ensembles multimédias attractifs.

Concentration des médias, suite

Merci à Jérôme d'avoir pointé juste !

Un article d'Eli Noam dans le Financial Times fait avancer le débat sur la mesure de la concentration dans les médias. Le directeur du Columbia Institute for Tele-Information (CITI) y propose un nouvel index, censé pallier les déficiences du HHI. Avec le HHI, le marché américain serait très peu concentré nationalement, alors qu'il l'est très fortement au niveau local (question de définition du marché pertinent). Mais celui-ci est aussi insuffisant - comme vu dans le précédent post - pour donner une mesure satisfaisante de la concentration sur le "marché des idées".

Il reprend la mesure du pouvoir de marché du HHI (somme des carrés des parts de marché) et la divise par la racine carrée du nombre de "voix" indépendantes (i.e. le nombre d'accès à un média pour un consommateur). Ainsi, plus l'indice est faible, moins le marché est concentré et plus il est diversifié numériquement.

Selon son auteur, cet indice de mesure de la diversité dans les médias offre l'avantage de proposer une méthode objective d'analyse. Ceux qui a contrario, préfèrent une méthode au cas par cas seraient suspects de vouloir pratiquer une régulation négociée, où les groupes médias les plus puissants auraient de toutes les manières les moyens d'éviter des décisions défavorables des insitutions.

A cet article réagit Richard A. Epstein, professeur de droit à l'Université de Chicago. Le "Noam Voice Index" lui semble bien pensé, à condition qu'il sache intégrer de nouvelles "voix", celles des multiples sites diffusant de l'information sur Internet. A son avis, les blogs doivent être intégrés à ce comptage de "voix", au même titre que les sites de médias plus traditionnels, car leur lectorat même plus restreint fait partie de cette catégorie recherchée de lecteurs connectés et influents. Dans le cas contraire, ces indices passeraient proprement à côté des mutations du secteur et n'arriveraient pas à traduire les réelles mutations du marché.

Reste qu'un problème de mesure succède à un autre problème de mesure : les audiences de ces blogs sont majoritairemnt atomisées et restent encore difficiles à tracker via des panels de mesure d'audience...

Concentration des médias : par le "succès" ou l'accès ?

Lors d'une conférence du CITI de Columbia University, Bruce M. Owen, du Stanford Institute for Economic Policy Research, a montré l'évolution progressive de la FCC concernant la mesure de la concentration des médias de masse.

La FCC mesurait la concentration comme dans toute autre industrie, via l'indice Hirschman-Herfindahl ou HHI (Merger Guidelines) à partir des revenus réalisés par les différents médias et leur propriété. La mesure de l'audience ne semblait pas appropriée, car fondée sur des critères différents selon les médias. L'idée de cette mesure est simple : à partir de la définition d'un marché pertinent de biens entre eux substituables, existe-t-il une diminution significative du choix pour les consommateurs ?

Or, pour Bruce M. Owen, la répartition de la propriété dans les médias peut ne pas avoir d'influence directe sur le "marché des idées". L'objectif central étant de donner accès à différents points de vue aux consommateurs, la mesure de la diversité peut ne pas être totalement satisfaisante avec l'indice HHI.

En juin 2003, la FCC a créé "l'indice de diversité" qui cette fois, mesure la diversité des sources média disponibles pour les marchés locaux, en leur attribuant des poids, selon leur importance relative en tant que source d'informations pour les consommateurs.

L'indice a encore de nombreux défauts : il ignore l'information de divertissement, il n'observe Internet qu'en tant que canal d'accès à l'information, il attribue des poids selon une logique discutable, il ignore la logique de prescription - notamment celle du processus en deux étapes de Lazarsfeld (influence des leaders d'opinion), etc.

Toutefois, il a l'avantage de commencer à faire évoluer la notion de concentration dans les médias : au-delà du succès financier d'un groupe média (mesure HHI sur les revenus), les consommateurs ont-ils accès à une diversité de sources d'informations indépendantes ?

Internet, quelle que soit l'approche, brouille les pistes. Le succès économique d'un site distribuant de l'information est-il significatif de son influence sur ses utilisateurs ? L'existence d'une large offre d'informations via une multitude de sources indépendantes garantit-elle la diversité pour le consommateur si seules quelques unes rencontrent un réel succès ?

Des travaux restent à réaliser pour commencer à répondre à ces questions. Toutefois, il y a fort à parier que la mesure de la concentration dans les médias ne pourra faire l'économie d'une alliance entre ces deux approches.